La politique audiovisuelle française : A bout de souffle
Published By: Patrick Messerlin
Subjects: Far-East Korea Project Services
Summary
Ces deux dernières années, la France a connu un vif débat sur l’impact de la politique audiovisuelle actuelle sur le rayonnement de la culture française. Des professionnels de l’audiovisuel ont fortement contesté le succès affiché officiellement. Les groupes d’intérêts mis en jeu ont riposté en déclarant que les industries culturelles sont de taille très importante — en clair sont “trop grandes pour les laisser faillir”, sous-entendant par-là que la politique actuelle est intouchable. Ce débat est resté largement méconnu hors de France.
Ce papier montre d’abord que la prétendue grande taille du secteur culturel français est le fruit de calculs douteux, voire carrément erronés, groupant des secteurs trop hétérogènes, recourant
à des méthodes trompeuses. Une estimation correcte montre qu’une fois corrigé, le chiffre le plus cité d’un montant de 75 milliards d’euros se réduit à 10 milliards au plus. Le papier
aborde ensuite la question centrale de l’efficacité de la politique française, à laquelle les
groupes d’intérêts en jeu ne répondent pas. En se fondant sur des chiffres officiels et récents,
il montre que, en 2011, le taux de subvention est de l’ordre de 30 % pour le cinéma et de 100 % pour les chaines de télévision. Plus grave encore, les subventions (en euros constants) ont augmenté de 30-40 % à plus de 70 % depuis l’année 2000 alors que, durant la même période, l’attractivité de la culture française a stagné (dans le cinéma) ou baissé (à la télévision). Ces résultats soutiennent sans équivoque le constat des contestataires du secteur.
Le papier n’aborde pas le problème des réformes qui fera l’objet d’un prochain article. Il apporte simplement quelques repères à garder à l’esprit. Tout d’abord, un tel échec était prévisible (il a d’ailleurs été annoncé) pour des raisons à la fois humaines et économiques. Ensuite, il devrait inciter les décideurs français à plus d’humilité—et les encourager à tirer les leçons du succès d’autres pays dans le monde, notamment de la Corée du Sud. Enfin, les règlementations rigides liant chaines de télévision et cinéma devraient être graduellement mais sans hésitation assouplies, sous peine de voir les chaines de télévision françaises connaître un sombre futur.
Dernier point, et non des moindres : au lieu d’être craint, l’internet devrait être considéré comme une opportunité unique de rebondir. Par exemple, une entreprise comme Netflix devrait être vue comme une “pont”: d’une part, un importateur qui certes bouscule avec ses séries et films étrangers en France; mais d’autre part, un exportateur potentiel efficace des productions françaises, ouvrant les portes du reste du monde aux réalisateurs français les plus créatifs et dynamiques, leur permettant de trouver des financements ailleurs qu’à la source bientôt tarie des subventions publiques et des chaines de télévision sous grand stress. Ils pourraient ainsi se tourner vers une demande mondiale en plein essor et faire connaître la « spécificité française ».